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Notre ami Maurice Edouard Tardieu nous a quittés le 9 mars 2022.

Il était né le 2 décembre 1928, de parents marseillais, d’un sympathique papa, navigateur au long cours, laissant à une exceptionnelle maman une bonne part de la formation d’un petit garçon, puis adolescent obéissant, sérieux et resté très fier de son éducation.

Bachelier en 1946, licencié ès-sciences en 1948 dans les disciplines Botanique générale, Zoologie générale, Géologie générale, Agronomie générale et tropicale, Maurice, bien qu’attiré par la géologie, choisit finalement l’agronomie pour sa version tropicale (bien implantée dans la culture marseillaise). Grâce à un certificat d’études supérieures (PCB-SPCN) il professe même un temps, tout en améliorant son argent de poche en organisant des fêtes et bals au son de l’accordéon, dont il jouait fort bien. Plus tard, ses goûts évolueront vers la grande musique, celle notamment de prestigieux compositeurs allemands.

D’août 1949 à octobre 1951, Maurice est élève ingénieur à l’École supérieure d’application d’agriculture tropicale, Esaat, se spécialisant en deuxième année en Génétique végétale à l’Orsom et à l’Idert d’Adiopodoumé (Côte d’Ivoire). Il accomplit ensuite son service militaire d’octobre 1951 à octobre 1952, d’abord à Strasbourg, puis comme aspirant de réserve à Oran (il sera lieutenant de réserve en 1956, capitaine en 1964). Maurice termine sa formation par un stage en novembre-décembre 1952 à la station centrale de bioclimatologie de l’Inra à Versailles.

Ingénieur des Services de l’agriculture outre-mer, Maurice commence sa carrière tropicale en janvier 1953 comme chef de travaux de laboratoire au Centre de recherches agronomiques de Bambey, alors à vocation sahélo-soudanienne pour l’Afrique de l’Ouest, devenu Centre national du Sénégal à l’indépendance, confié en gestion à l’Irat. De 1953 à 1964, Maurice va y occuper des fonctions de plus en plus importantes : sélectionneur arachide et plantes diverses (niébé, dolique, manioc, ricin, tournesol…) ; chef de la division d’amélioration des plantes (ensemble des espèces cultivées, dont bien entendu les mils et sorghos) succédant à Louis Sauger, promu directeur du centre ; et, en novembre 1963, intérimaire du directeur des recherches, René Tourte. Entre temps, les recherches agronomiques ayant été transférées à l’Orsom, ainsi devenu Orstom, Maurice intègre ce corps et en devient chargé de recherche le 20 juillet 1959. Il restera Orstom jusqu’à sa retraite, cependant détaché à l’Irat-Cirad. Cette période Bambey n’est interrompue que par une formation (1961-1962) à un certificat d’aptitude à l’administration des entreprises à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, et un stage « haricot niébé (vigna) » aux USA, en août-septembre 1962. Pendant cette même période, Maurice effectue plusieurs missions en pays de la zone sahélo-soudanienne et participe à une réunion de la Commission de coopération technique africaine sur la production céréalière en Afrique de l’Ouest, en 1963. En outre il forme plusieurs collaborateurs dont son adjoint puis successeur à l’amélioration du niébé, Djibril Sène, futur ministre de l’Agriculture du Sénégal.

Le 6 octobre 1964, Maurice Tardieu est nommé directeur des services de l’Irat au Cameroun par le directeur général, Francis Bour. Il s’installe à NKolbisson, quartier de Yaoundé, auprès de ses collègues de l’Institut de Recherches du café et du cacao. Il prend rapidement contacts et langue, d’une part avec les autorités et services camerounais et, d’autre part, avec les institutions de recherche et de développement : IRCC, IRCT, CFDT, secteurs de modernisation. Il se rend naturellement dans les stations agricoles confiées à l’Irat de Dschang et Guétalé et fait le point sur les travaux de recherche concernant l’amélioration des plantes et le perfectionnement des techniques de production : traitement des semences, fertilisation, rotations… Il entreprend ainsi un zonage écologique du pays, afin de pouvoir établir un réseau multilocal d’expérimentation. À la tête d’une équipe d’une petite dizaine de chercheurs, Maurice va diriger et animer, de 1964 à 1972, de nombreuses recherches sur l’arachide au Nord Cameroun et dans les zones d’altitude de l’Ouest ; le maïs dans les zones d’altitude ; les cultures associées dans l’Ouest ; le sorgho repiqué de décrue, le muskwari, au Nord.

Comme au Sénégal, Maurice forme des homologues et agents camerounais, dont Jacques Paul Eckebil, Ph. D de l’Université du Nebraska, auteur d’excellents travaux sur le sorgho et futur directeur de l’Institut de la recherche agricole pour le développement du Cameroun, avec lequel il va entretenir une profonde amitié.

En 1972, Maurice rejoint la France. Il est affecté d’abord à Paris-Nogent, puis à Montpellier où l’ensemble de la division amélioration des plantes de l’Irat, dont il est responsable, est transférée en septembre 1976. Il organise ses différents laboratoires et finalise les programmes de travail de ses collaborateurs. Pendant cette première période montpelliéraine, il effectue plusieurs missions auprès, d’une part, les agences de l’Irat africaines et malgaches et, d’autre part, des organisations étrangères : Venezuela et Cimmyt (Centro internacional de mejoramiento de maiz y trigo, Mexique), en novembre-décembre 1978, Searca (The Southeast Asian Regional Center for Graduate Study and Research in Agriculture, Philippines) et Thaïlande en octobre 1981.

De 1981 à 1984, Maurice connait l’épisode international de sa carrière. Détaché de l’Irat, il prend, à la suite de son ami Claude Charreau, la direction de l’équipe Afrique de l’Ouest de l’Icrisat (International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics), avec résidence à Niamey, Niger. Cette responsabilité implique naturellement des voyages à Hyderabad, siège de l’Icrisat. La collaboration s’avère fructueuse en plusieurs thèmes de recherche, notamment sur le sorgho. Elle fera d’ailleurs ultérieurement (septembre 1986) l’objet d’un colloque sur les relations possibles entre l’Icrisat et les institutions françaises de recherche.

En 1984, Maurice Tardieu rejoint Montpellier et reprend la direction de la division d’amélioration des plantes qu’il transmettra, à son départ en retraite, en juillet 1988, à Michel Jacquot. Dans les mêmes temps se crée le Cirad, dont l’Irat devient département. Au cours de ces quatre années, outre ses activités de responsable de division et de programme, Maurice effectue plusieurs importantes missions : consultation sur la production semencière du maïs en Mauritanie, en février-mars 1986 ; appuis à la cellule cultures vivrières de Bebedjia-Tchad, en mai-juin 1986, mission renouvelée en juin 1987 et avril 1988 ; évaluation du programme sorgho de l’Institut des sciences agronomiques du Rwanda, en mai-juin 1988. En clôture de ses activités Irat-Cirad, Maurice rédige plusieurs documents récapitulatifs de ses travaux, notamment sur les mils et sorghos, s’ajoutant à ses nombreuses publications.

Après quelque quarante années de service consacrées à l’agronomie tropicale, Maurice Tardieu va connaître de belles années de retraite bien méritées, heureux auprès de sa chère et charmante Marie-Hélène, qu’il avait épousée au Cameroun le 3 avril 1969, et accompagné par la tendre affection de leur fils Nicolas.

Cher Maurice, outre les marques bien tangibles de tes travaux, tu laisses à ceux que tu as un temps côtoyés, à ceux dont tu as initié, dirigé, animé les activités, le souvenir d’un homme d’exceptionnelles droiture et rigueur, dont l’amitié une fois acquise était profonde. D’aucuns ont su en apprécier, tels ceux hélas déjà disparus : Pierre Bezot, camarade de fac et de régiment, retrouvé en Afrique et à Montpellier ; Marius Bono, le concitoyen marseillais, sélectionneur, et Jean Fauché, l’agronome, complices dès Bambey, dans le travail et dans la détente… ; et ceux encore en mesure d’en témoigner : Philippe Gaudefroy Demombynes, l’ami des premiers jours à Bambey et toujours fidèle ; Jacques Paul Eckebil le complice camerounais dont tu m’as souvent vanté les qualités ; Jacques Chantereau, proche par leurs actions communes de recherches et par de très amicales rencontres à Montpellier ; et l’auteur de ces quelques mots, avec lequel tu viens d’interrompre soixante-dix années d’une profonde amitié.

Plus largement, dans le cours de notre œuvre commune, tes hautes compétences et ton souci permanent du dialogue, d’une part avec ta hiérarchie, tes collaborateurs et, d’autre part, avec les responsables et acteurs politiques, administratifs de terrain, t’accordaient une autorité naturelle et une écoute attentive. Autoritaire, rigoureux sans doute, cher Maurice, mais tu savais aussi être l’ami toujours présent, souriant, amusant, animateur de nos rencontres, repas, fêtes, voyages…

Pour tout ce que tu as apporté au monde tropical, à la recherche agronomique et à tous ceux qui ont eu le privilège de te connaître : merci Maurice, mille fois merci, tu peux reposer en paix.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             René Tourte


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