Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès de notre collègue et ami, Hubert Manichon, survenu le 15 janvier 2020.

Né le 6 février 1943, Hubert Manichon est entré à l’Agro en 1963 où il a obtenu son diplôme d’ingénieur agronome en 1966. Puis il a suivi les cours de l’Ensaa avant de rejoindre, en 1967, la chaire d’agronomie de l’Institut national agronomique Paris-Grignon, comme assistant.

Il y restera 23 ans, exerçant successivement les fonctions d’assistant, de maître-assistant, de maître de conférences et enfin de professeur, avec un doctorat en Sciences obtenu en 1982. L’élève de Stéphane Hénin à l’Agro est devenu l’adjoint de Michel Sebillotte pour la direction de la chaire d’agronomie et de deux laboratoires de recherche associés de l’Inra, s’inscrivant ainsi dans la grande tradition de l’agronomie française. Cette chaire et ces labos ont été au cœur de la rénovation de l’agronomie française dont Hubert a été l’un des grands artisans.

Sa maîtrise de l’agronomie moderne, alliée à son intérêt personnel pour les agricultures du monde, le prédisposait naturellement à prendre en charge, en 1990, la direction scientifique du Cirad où il restera 25 ans jusqu’à sa retraite en 2005. Il fallait alors rassembler et animer scientifiquement l’ensemble hétérogène qu’était l’organisme nouvellement créé, tout en portant une vision nouvelle de la recherche en milieux tropicaux. Hubert a mené à bien cette tâche considérable de 1990 à 1993. Par la suite, il est resté au cœur des mutations du Cirad, d’abord comme responsable scientifique du champ disciplinaire Ager (Agronomie, gestion de l’environnement et des ressources naturelles), puis comme directeur du département des cultures annuelles, ensuite en Guadeloupe comme délégué régional pour la Caraïbe et enfin de retour à Montpellier, comme directeur de l’outre-mer français. Au regard de la diversité des responsabilités éminentes qu’il a exercées, Hubert a été l’un des grands fondateurs du Cirad.

Hubert a d’abord été un grand agronome. Il a été l’un de ceux, avec Alain Capillon, dans l’équipe de Michel Sebillotte qui ont proposé puis développé une vision systémique du champ cultivé promouvant une nouvelle approche scientifique de l’agriculture qui met en jeu la cohérence des choix techniques et la diversité des situations. Ces concepts, Hubert les a fait adopter avec ténacité au Cirad, les étendant aux milieux tropicaux et méditerranéens : diversité des systèmes de culture, de leur origine et de leurs modalités d’approche, cohérence dans la coordination des travaux disciplinaires une fois identifiées les situations culturales à privilégier. L’activité scientifique qui procédait d’une organisation portant sur une production en a été, sous son impulsion, profondément transformée. Il a aussi ajouté à la réflexion scientifique, avec quelques autres, le souci d’une vision à long terme, sur l’évolution des agricultures tropicales et méditerranéennes avec ses conséquences sur la recherche au Cirad et son organisation.

Hubert a aussi été un grand enseignant, il était professeur dans l’âme. A l’Agro il a formé, avec l’équipe de Michel Sebillotte, une génération d’agronomes en France et au-delà, en Afrique et en Amérique Latine en particulier. Au Cirad, il a sans relâche privilégié la discussion et les rapports personnels avec les chercheurs, toujours positif, préférant l’écoute, aimant débattre et expliquer pour convaincre, peu enclin aux attitudes hiérarchiques ou conflictuelles. Les effets en ont été durables et ont marqué en profondeur le Cirad. Enfin, il savait faire confiance aux jeunes scientifiques. Beaucoup de chercheurs le reconnaissent comme leur inspirateur, leur mentor ou leur conseiller. On retrouve cette pédagogie dans sa manière de gérer les équipes, privilégiant le travail collectif et solidaire, leur permettant ainsi de donner le meilleur d’elles-mêmes.

Enfin, il y avait l’homme, Hubert, que nous avons aimé et apprécié, au-delà de ses qualités de scientifique et d’enseignant : sa modestie et gentillesse à toute épreuve, qui ont permis à chacun de l’approcher, son esprit positif pour le dialogue et le débat et son aversion pour le conflit, sa ténacité dans les débats en CPCS même s’il pouvait, une fois convaincu, reconnaître ses erreurs. Mais aussi son énergie, intellectuelle et physique, car il fut un grand sportif amoureux des fonds marins, sa générosité enfin qui était au cœur de ses attitudes professionnelles et de sa vie privée. On ne saurait oublier qu’avant de nous quitter il avait créé avec Marie-Noëlle son épouse, une association d’aide aux migrants dans l’Aude, ce qui fut sans doute le dernier engagement d’une longue série de dévouements aux autres. En effet, homme de convictions et d’engagements, Hubert a accepté en 2005, au moment de son départ en retraite, et à la demande de ses habitants, de devenir maire de la commune où il avait élu domicile avec Marie-Noëlle son épouse : Quirbajou, village minuscule et perché dans les montagnes de l’Aude, isolé et marginalisé du fait du faible nombre de ses habitants. Il s’est donné entièrement à cette tâche au service de l’intérêt général et a transformé avec ses concitoyens ce lieu reculé pour lui redonner un avenir. Quirbajou, avec, entre autres, l’arrivée de l’assainissement et de l’internet, s’est remis à vivre, passant de 18 habitants à plus de 50 sous son mandat.

Le Cirad est en deuil et la disparition d’Hubert laisse un grand vide mais aussi un héritage considérable dont nombre d’entre nous sommes les héritiers. Du fait de son autorité intellectuelle mais également de son grand humanisme, il a été, pour une génération de scientifiques du Cirad un leader, un passeur et un ami. Notre peine est grande, et nous avons des pensées solidaires et fraternelles pour son épouse et ses trois fils pour les accompagner dans l’épreuve qu’ils traversent aujourd’hui.

 

Article retraçant la carrière de Hubert Manichon quand il était maire de Quirbajou, de 2008 à 2014. Cliquer ici pour le lire.

Quelques photos :

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 1988   Montpellier Cirad 47 1991   Montpellier Cirad 22   1996   Collègues Nigeria 8

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